Patricia Jarnier est poète et écrivain. L’atelier de Rouge Patine lui a inspiré ce texte :

Je suis un lieu
Joli comme une folie
De plaisance
Au fond d’une cour
Qui pourrait être un jardin.

« Pas besoin d’aller à Montmartre »!
Je vous l’ai déjà dit :
Le côté des Ternes
aussi a ses ateliers.

Dans celui-ci, par exemple,
Les cuirs chantent,
Les chaussures alignées
Y forment un chœur bigarré
Semblable aux couleurs de l’existence.

Symphonie de duo,
Tous frères ou sœurs,
Tous solidaires,
Pieds droit, pieds gauche,
Je chaussure, tu chaussures,
Nous chaussurons :
Plein d’histoires
de pas de porte et de trottoirs,
Glissant sur parquets
Ou le long des couloirs.

S’alignent comme des notes sur une partition de musique
Toutes ces semelles, talons et pointes défraîchis, abîmés,
Auxquels des mains expertes redonnent vie.
Histoires de cuir que cet artisan
Sait exhumer et soigner,
En un dialogue secret, intime
avec ces petits vêtements qui protègent
Les racines des gens, ces pieds qui les plantent.

La peau des chaussures révèle au cordonnier artiste
Ce que la peau d’un corps raconte au médecin.
Le temps a passé
Mais l’animal tanné
N’a pas rendu son dernier souffle.
Et Nadia à la manœuvre redonne une âme
à toutes ces paires de « tatannes » égarées
Que des passants affairés lui ont confiées…

Après tout, en comparaison avec le monde des voitures,
Une belle paire de chaussures
n’est-elle pas de nos jours une valeur sûre ?

Patricia Jarnier, 6 février 2020.

Poème de Patricia Jarnier